EN CHAIR ET EN SON


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LES RENCONTRES: POURQUOI ?

« En chair et en son » se veux "entremetteur butô-acousmatique".

Il propose un cadre de rencontres entre danse butô et musique acousmatique diffusées sur acousmonium
en organisant un festival de performances/concerts

"Musique acousmatique et danse butô partagent un même souci de dégager du discours et de la convention
(art traditionnel du Japon, musique savante occidentale) la matière première de leur art: le son, le mouvement.
Par la recherche de l'analyse de leur vie propre, par la recherche d'un surgissement organique,
par un déplacement de la perception du discours vers la matière, de la forme construite vers la forme donnée".
(N.L.)


Ces rencontres sont organisées par l'association Aventures électro-acoustiques (AEA), Motus (Compagnie Musicale), et et le centre de création numérique Le Cube à Issy les Moulineaux. Les œuvres sont jouées sur l’acousmonium MOTUS sur un ensemble d'une trentaine de haut parleurs

La programmation est établie suite à un appel à participation:
- En tant que danseur butô (celui ci soumettant un extrait vidéo de l'une de ses performances)
- En tant que compositeur de musique acousmatique : celui-ci proposant une œuvre qu’il souhaiterais voire danser ou adaptée à la danse

Les propositions sont sélectionnées par un comité regroupant artistes (danseurs, compositeurs) et universitaires.
Des binômes danseur-compositeurs se créent alors et travaillent ensemble pour présenter leur travail lors du festival.
Pour plus de détail sur les modalités de participation voir la page "Appel à participation"

Différents types de collaborations ont lieu :
- Travail du danseur à partir d’une pièce musicale fixée.
- Travail commun compositeur/danseur à partir d’une pièce musicale pré existante mais qui a été « adaptée » à la danse.
- Pure Création (depuis sa création une quinzaine de pièces ont été crées).

Argument

Le projet de festival/rencontres butô-acousmatique "En chair et en son" permet d'investiguer de nouvelles situations de création
jusqu'alors très peu explorées.
Placer le corps du danseur butô au cœur du dispositif de projection des sons numériques "acousmonium", le confronter à cette
musique de l'imaginaire, au plaisir primitif de la perception du son, ouvre de nouvelles voies de création.

Butô et acousmatique procèdent d'une même volonté de transgression des genres, d'un même désir de retour à l'essence des choses (la chair, le son). Les deux premières éditions du festival nous ont montré la richesse créatrice et le potentiel qu'une telle rencontre recèle.
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Texte de Frédéric Mathevet (artiste chercheur) :
Lorsque Tatsumi Hijikata et Kazuo Ōno créent le « Butō » dans le Japon des années soixante (chacun de leur côté
comme nous le rappelle l'histoire), ils choisissent pour qualifier leur nouvelle approche de la danse, un terme qui désigne
toutes les danses importées sur le territoire nippon. Dès lors, la danse Butō s'est définie, dès sa création, comme
une danse de l’« autre », une « autre » danse, une danse de l'étranger. C'est dans cette altérité assumée que les danseurs
Butō ont puisé les forces de leur rébellion contre l'ordre établi, et qu'ils ont rompu avec les arts vivants traditionnels japonais.

S'inspirant des pratiques artistiques modernes occidentales, de l’expressionnisme allemand au surréalisme, le danseur Butō
est en quête de l'expression pure plutôt que de l'illustration des sentiments, et il propose des actions fortes plutôt que
des images. À la même époque que le mouvement Gutaï, la danse Butō redéfinit la pratique de la danse et de la performance
dans une approche pluridisciplinaire. Et, tout en se réclamant d'un « anti-art », les danseurs Butō affirment la matérialité
concrète des corps et des actions en accord avec une introspection et une disponibilité au monde, ils encouragent le grotesque
et le laid tout en assumant le rôle politique de leur création artistique. Scandaleux, animal, grimaçant et concret — il a
les pieds sur terre comme le rappel l’idéogramme tō — le performeur Butō pense le corps comme une mémoire, un corps qui à
la mémoire de toutes les cicatrices du monde et qu'il rend dans une méditation en actions.

La musique acousmatique s'est faite, elle aussi, d'une matérialité concrète : celle de son support. Les sons enregistrés,
dont on ne distingue plus nécessairement la source, retrouvent un nouveau dynamisme dans une expressivité spatialisée portée
par un ensemble de haut-parleurs. Une suite de métamorphoses électriques, faites de passages, de glissements ou de ruptures
et de confrontations qui remettent sans cesse sur le chantier la question de l'écoute. Mais cet « art des sons fixés » (Michel Chion)
questionne aussi l'enregistrement lui-même, ce corps-mémoire autrefois figuré par la bande ou le sillon du vinyle.

Une rencontre entre la musique acousmatique et la danse Butō s'impose donc. C'est en quelque sorte l’auscultation d'un « MA »,
c'est-à-dire d'une distance qui unit, comme l'imagine la pensée japonaise, et s'opposant à la distance occidentale, qui sépare,
que ces rencontres veulent produire. D'une part, pour affirmer l'actualité de ces questions dans le champ de la création
contemporaine, d'autre part pour démontrer la dynamique de créations que peut engendrer un rapprochement aussi « lointain et juste »
que celui que nous proposons ici. Butō et acousmatique seront l'autre, l'un pour l'autre, dans une dynamique de découverte
de l'un par l'autre, permettant de remettre en question nos idées reçues et de nourrir les disciplines convoquées.



LA DANSE BUTô

Pour Hijkata, un des fondateurs du butô, la danse ne résidait pas dans une composition linéaire de mouvements mais plutôt dans l’exploration de la profondeur du corps lui-même.Il pensait qu'il fallait à la fois « re-découvrir le corps et réinventer la danse ».

L'idée n'était pas de construire un corps qui transmette un message ou qui soit l'instrument de quelque chose,mais de travailler davantage un corps capable de parler par lui-même: Un corps chair, un corps sensation capable de danser sa propre histoire.

Dans sa volonté de transformer la notion de corps vécu, la technique du butô ne rappelle aucune autre technique de danse.Le butô ne s’appuie pas sur une technique formelle mais sur l’être dans sa dimension intime et universelle.

...le plus important en butô ce ne sont pas les mouvements, mais la manifestation de l'esprit à travers eux; c'est pourquoi cette danse s'attache moins aux gestes visibles qu'à ce qui se passe à l'intérieur du corps du danseur." Domitie de Lamberterie

Hijikata ouvre de cette façon une porte vers une autre forme de pratique de la danse, et indirectement postule que toute personne qui le souhaite est capable de danser.

Comme beaucoup de mouvements surgis dans les années 60, le butô questionne toute la danse de l’époque,mais à la différence des autres genres, le butô vient détruire irrémédiablement le « corps du danseur ».

"Vous devez tuer votre corps pour construire un corps en tant que fiction plus vaste. Et vous vous sentirez libre à ce moment là"
Akaji Maro

Le butô donne un nouveau corps au danseur, et ceci fut un de ses aspects révolutionnaires.Un corps qui ne cherche pas à s’étendre vers l’extérieur, mais vit intensément ce qui le divise entre son intérieur et son extérieur.Un corps dépouillé des codes sociaux, un «corps mort» au social, ignorant l’ego et les apparences.
Cette danse cherche à révéler des zones occultes, et réveiller les mémoires corporelles :retourner à l’instinct, à la mémoire animale, minérale et végétale de notre corps.
Elle se déclare ouvertement androgyne, défiant la classification des sexes, et montrant le corps nu, au propre comme au figuré.

A lire pour en savoir plus: l'excellent ouvrage La métaphysique de la chair de Domitie de Lamberterie aux Editions du Cénacle.

"...cet usage du corps dénué de toute finalité, auquel je donne le nom de "danse", je le veux être l'ennemi le plus détestable
et le plus tabou de notre société productiviste"
Hijikata

LA MUSIQUE ACOUSMATIQUE

"Telle est la suggestion de l'acousmatique: nier l'instrument et le conditionnement culturel,
mettre face à nous le sonore et son "possible" musical."

Pierre Schaeffer : Traité des objets musicaux

"L'art acousmatique est une expression libre, puissante, qui porte en elle
les fondements mêmes de la musique et qui révèle tout l'univers des sons, rejoignant par là un certain primitivisme.
Ambivalence et privilège de cet art si moderne que de pouvoir aussi remonter le temps
jusqu'aux prémices et aux racines les plus lointaines de la musique et du son."

Patrick Ascione


La musique acousmatique est née dans les années 1950 grâce au dévelopement de l'électronique et des moyens d'enregistrement et de restitution sonores.
Est dit acousmatique un son que l'on entend sans voir la cause qui le produit. (en effet la musique "acousmatique" se joue sur des "orchestres de haut parleurs")
Le travail du compositeur résulte d'un pur travail de studio:
Enregistrement de "sources sonores" (instruments, moteur, train, oiseau, symphonie,...), utilisation de sons purement électroniques, puis manipulations des sons (accélération/ralentissement, filtrage, inversion, modulation,...) permettent d'accéder à un univers sonore totalement déconcertant et d'une profonde originalité.
Cette musique offre une liberté totale de création.

La musique acousmatique est ensuite jouée en concert sur un "acousmonium", véritable orchestre de plusieurs dizaines de haut parleurs répartis dans l'espace.
L'interprète joue sur la répartition spatiale des sons, leur niveau mais aussi les caractéristiques du son en choisissant des groupes de haut parleurs aux rendus sonores différents.
On trouve aussi les termes (quasiment synonymes) de :
Musique électro-acoustique: Terme plus général car englobant des installations lors duquel le son peut être créé par divers phénomènes (effets larsens, détection de mouvement,...).
Musique concrète: Musique basée sur un vocabulaire "concret" de sons enregistrés, par opposition à la musique traditionnelle basée sur un vocabulaire abstrait (les notes).
Musique sur bande: Musique réalisée à l'aide d'un magnétophone et utilisant divers effets tels que découpage, inversion, accélération/ralentissement.

Enfin, de manière plus générale, il y a aussi:
La musique mixte: musique associant un "jeu" instrumental à des traitements electroniques ou en addition à de la musique "sur bande".
L'art sonore: approche beaucoup plus globale regroupant par exemple des installations audio interactives...

(NL: texte de Nathalie Lenclos)

Katsura Kan: photo Trreya; Acousmonium: photo MOTUS